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"La Vache Heureuse, l'idée française qui bouleverse les pratiques suisses !"



La Vache Heureuse, l'idée française qui bouleverse les pratiques suisses

AGE La vache heureuse, l’idée française qui bouleverse les pratiques suisses Un concept agronomique innovant pourrait révolutionner la ration de la laitière. L’objectif est d’atteindre une autonomie en protéines et en fourrage sur le domaine, tout en respectant davantage la vie des sols. Si l’agriculture de conservation a le vent en poupe en Suisse, cette notion concerne uniquement les cultures, et non la production animale. Or de nombreux éleveurs suisses, qui ont déjà fait le pas de ne plus labourer, cherchent des pistes pour aller plus loin dans leur démarche. Car si la prise de conscience qu’il est nécessaire de faire évoluer certaines pratiques – comme de complémenter la ration avec du soja importé – est bien présente, la façon de s’y prendre est loin d’être évidente. Afin d’obtenir des conseils, plusieurs éleveurs suisses se sont tournés vers une société française baptisée La vache heureuse. Celle-ci propose une approche novatrice de l’alimentation du bétail laitier. Son but: atteindre une indépendance fourragère, tout en ménageant le sol et en limitant au maximum les intrants. Nouvelle autonomie Christophe Paillard, qui gère avec son associé Jacky Schläfli un troupeau de 140 vaches laitières à Champvent (VD), a commencé à mettre en pratique ces nouvelles techniques. «J’ai été séduit prioritairement par l’autonomie protéique, à même de nous libérer de notre dépendance aux moulins, observe l’agriculteur. Et ce concept remet complètement en question la façon dont j’ai appris à nourrir mes bovins.» L’objectif est d’atteindre 8500 litres par lactation avec uniquement le fourrage produit sur l’exploitation. Du point de vue économique, le bilan est également positif, avec une nette baisse des charges. Un autre éleveur vaudois a ainsi déjà réussi à réduire de deux tiers les 25 tonnes d’aliments habituellement achetés, pour une production laitière équivalente. «Ce gain d’autonomie rencontre d’ailleurs en France un écho négatif de la part des moulins et des firmes d’agrobusiness, qui voient là un marché leur échapper», affirme Konrad Schreiber, l’un des fondateurs de La vache heureuse. Des protéines en suffisance Si la théorie semble séduisante, sa mise en pratique demande de solides connaissances en nutrition. Produire assez de protéines sur l’exploitation pour se passer d’achats extérieurs représente en effet un défi sur le plan technique. Par exemple, bien que la luzerne soit riche en nutriments de ce type, il n’est pas possible d’augmenter les quantités distribuées au-delà d’un certain point, à cause d’un manque de digestibilité. Christophe Paillard et Jacky Schläfli sont encore dans une phase d’apprentissage. «Si nous avons déjà renoncé au soja pour la ration de notre bétail, l’objectif à terme est de ne plus donner du tout de tourteau de colza. Actuellement, les vaches en reçoivent encore 1,5 kg par jour.» Pour augmenter la teneur protéique dans la ration, l’une des pistes est de recourir davantage aux méteils. «Les semences déjà toutes prêtes vendues dans le commerce sont souvent trop pauvres en légumineuses, relève Jacky Schläfli. Nous faisons donc désormais notre propre mélange, bien qu’on tâtonne encore.» Obtenir assez de fourrage est un autre défi, d’autant plus marqué dans cette ferme du pied du Jura qui subit déjà les impacts du changement climatique. Une part d’herbages y a déjà été remplacée par du sorgho. S’adapter aux conditions locales Le concept est indissociable d’un sol vivant et fertile. Supprimer l’ensilage de maïs en plante entière au profit du grain seul, plus énergétique, permet ainsi de laisser la paille sur le champ pour les microorganismes, tout en stockant du carbone. «Il n’existe cependant pas de schéma reproductible dans toutes les situations: il faut impérativement s’adapter aux conditions locales et au type de domaine», souligne Konrad Schreiber. La santé des ruminants passant en premier lieu par la rumination, le Français insiste aussi sur la nécessité d’apporter de la fibre de qualité, sous la forme de miscanthus ou de foin bien mûr coupé à 5 cm. «Recourir en permanence à des fourrages trop solubles est une erreur fréquente dans les élevages. De plus, l’alimentation classique à base de maïs ensilé et de soja conduit souvent à une acidose chronique.» À Champvent, les premiers essais sont globalement positifs. «Désormais, notre courbe de lactation monte moins haut, mais persiste plus longtemps, témoigne Christophe Paillard. Au final, notre production est identique, mais avec de meilleures teneurs.» Toutes ces techniques ne sont pas forcément applicables à des producteurs de lait de fromagerie, qui doivent renoncer à l’ensilage. «Je m’en inspire néanmoins, note Jean-David Teuscher, de Mont-la-Ville (VD). J’ai ainsi pratiqué un sursemis de vesce et de plantain lancéolé sur une prairie, afin d’améliorer les rendements. De plus, ces plantes résistent bien à la sécheresse et retiennent les nitrates.» ACCOMPAGNER LA TRANSITION DES ÉLEVAGES L’entreprise La vache heureuse a été fondée en 2013 par l’agriculteur d’origine suisse Anton Sidler et l’ingénieur agronome français Konrad Schreiber. Elle propose un accompagnement vers une transition technique des élevages, avec pour objectif une autonomie en protéines et en énergie. Certaines vidéos sont disponibles gratuitement sur le site Ver de terre production; en devenant membre, on accède à un contenu plus vaste. Il existe plusieurs formules, du simple accès à des fiches techniques détaillées jusqu’à la visite d’exploitation avec suivi régulier. Des formations en ligne sont également proposées – compter entre 50 à 800 euros par année, selon l’option choisie. La mise en réseau des agriculteurs, qui proviennent de toute la francophonie, permet de développer de nouveaux savoir-faire.

MÉTEIL ÉQUILIBRÉ Le méteil est un mélange associant céréales et légumineuses. Blé, seigle, avoine et triticale d’une part, pois fourrager, vesce et féverole d’autre part sont semés simultanément à l’automne et servent de couvre-sol en hiver. La part de légumineuses et le moment de la récolte influencent le taux de protéine et la digestibilité des fibres; pour un fourrage riche en protéines (15% et plus), on recherche des combinaisons ayant au moins 70% de légumineuses à la récolte. Les méteils sont généralement ensilés ou enrubannés, mais ils peuvent aussi être pâturés ou récoltés en foin.


TEXTE(S): VÉRONIQUE CURCHOD PHOTO(S): DR

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